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Marie Charlotte Renoult, enseignant-chercheur
Les Batteries à Métaux Liquides (BML) ont récemment été introduites pour résoudre un important problème concernant le stockage de l’énergie du réseau électrique. Celui-ci n’ayant presque aucune capacité de stockage, l’électricité produite doit alors être immédiatement consommée, favorisant les sources d’énergie stockables telles que celles fossiles au détriment des sources d’énergie au caractère intermittent telles que celles renouvelables. Comme l’heure est à la transition énergétique, une multitude de nouvelles technologies concernant les accumulateurs, moyen le plus familier pour le stockage d’énergie, est alors étudiée, que ce soit pour des applications stationnaires telles qu’évoquées précédemment ou pour des applications de mobilité telles que dans les transports ou l’Internet des objets. On peut notamment citer, outre les BML, les batteries tout-solide ou les supercondensateurs. S’agissant des applications stationnaires, les BML semblent être des candidates idéales de par leur faible coût global de possession ainsi que leur forte cyclabilité.
Les BML sont composées de deux électrodes (une anode et une cathode) séparées par un électrolyte. Leur particularité est que ces trois composantes sont liquides. Il est donc nécessaire d’étudier leurs écoulements et notamment les conditions de leur stabilité à l’intérieur de ces BML pour éviter un court-circuit qui interviendrait en cas de contact des deux électrodes. Pour cela, parmi de nombreuses instabilités hydrodynamiques pouvant même coexister au sein d’une batterie à métaux liquides, Seules les instabilités interfaciales dues à la redistribution du courant électrique et non à la thermique sont ici étudiées. Ces instabilités peuvent avoir le comportement d’une onde progressive pour des systèmes infinis ou en considérant des perturbations de petites longueurs d’onde ; elles peuvent en revanche avoir le comportement d’une onde stationnaire, tournant le long des parois pour des systèmes bornés ou en considérant des perturbations de grandes longueurs d’onde.
Modèle de batterie à métaux liquides.
Effet du paramètre de couplage (H) pour un système avec une interface gravitationnellement
stable (en haut) et une interface gravitationnellement instable (en bas)
Nous avons mené une analyse linéaire de stabilité pour étudier l’effet de la viscosité et de la tension de surface dans un système à trois couches fluides infini soumis au seul champ de gravité. Nous avons caractérisé le couplage entre les interfaces afin de mieux comprendre des expériences réalisées précédemment. Les résultats montrent que le comportement des interfaces dépend d’un paramètre de couplage : l’épaisseur de la couche du milieu adimensionnée par le nombre d’onde de la perturbation. Des simulations numériques directes réalisées avec le code Archer ont validé la théorie jusqu’à ce que les effets non-linéaires soient significatifs et ont permis d’identifier trois régimes selon la valeur croissante du paramètre de couplage pour un système où l’interface du haut est gravitationnellement stable et l’interface du bas est gravitationnellement instable : la succession de deux régimes couplés, l’un dominé par le comportement d’une onde de gravité, l’autre dominé par le comportement d’une instabilité de Rayleigh-Taylor et d’un régime découplé.
Le champ magnétique extérieur peut déstabiliser un système
où les deux interfaces sont gravitationnellement stables.
Nous avons alors étudié l’effet du champ magnétique sur un système à trois couches représentatif des BML. Le problème aux valeurs propres a été résolu en faisant varier un paramètre de fonctionnement de la batterie : un champ magnétique adimensionné, b, ainsi que le paramètre de couplage H, afin de déterminer les coefficients temporels de la perturbation. Cela permet d’obtenir une carte indiquant la stabilité du système pour un couple (H,b) donné. Un champ magnétique critique bC dû au courant électrique imposé au système et à partir duquel ce dernier peut potentiellement se déstabiliser est alors déterminé. Celui-ci augmente et donc favorise la stabilité lorsque la masse volumique adimensionnée de la couche inférieure augmente et lorsque la masse volumique adimensionnée de la couche supérieure diminue. Naturellement, lorsque les tensions de surface adimensionnées augmentent, le domaine de stabilité du système s’élargit. La viscosité n’a pas d’effet sur le domaine de stabilité ; elle ralentit seulement l’évolution de la perturbation.
Simulation numérique directe de l’instabilité interfaciale
dans un système borné effectuée avec ARCHER.
Dans le but de brièvement étudier le caractère stationnaire de l’instabilité interfaciale dans les batteries à métaux liquides, nous avons utilisé une méthode énergétique pour étudier les effets de bord ainsi que les effets du champ magnétique sur un système composé de deux couches fluides. Cela a notamment permis de retrouver le critère de stabilité des cellules de réduction de l’aluminium proposé par Sele, permettant alors de poser les bases du calcul d’un critère de Sele généralisé prenant en compte davantage de difficultés.
Enfin de nouvelles simulations numériques directes ont été effectuées avec le code maison Archer. Ces simulations ont d’abord permis de retrouver l’écoulement d’une onde tournant le long des parois et de montrer que le système était stable seulement lorsque le critère de stabilité déterminé par Sele dans les années 70 était vérifié. Cependant pour certaines valeurs des paramètres physiques, le comportement de l’interface dont l’amplitude atteint une valeur seuil puis dont l’onde continue de tourner le long des parois n’était pas prévisible par cette théorie.