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Marie Charlotte Renoult, enseignant-chercheur

Contexte

Les ferrofluides sont des liquides ayant de fortes propriétés magnétiques. Comme les matériaux ferromagnétiques perdent leurs propriétés magnétiques à l’état liquide, ces ferrofluides doivent être synthétisés. Ils sont obtenus en dispersant des particules de magnétite de taille nanométrique dans une phase liquide et en incorporant un tensioactif pour éviter l’agglomération des particules. Les ferrofluides sont utilisés dans de nombreux domaines, souvent sous la forme de jets et de gouttes. Ces jets et ces gouttes sont alors contrôlés à l’aide d’un champ magnétique. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de l’impression où l’encre magnétique est orientée vers une surface et en médecine, où le médicament transporté par le ferrofluide est dirigé vers l’endroit à traiter, grâce au champ appliqué. Afin de prédire les comportements des jets de ferrofluide, et notamment leur rupture en gouttes, une analyse de stabilité peut être réalisée. L’instabilité se développant le long de l’axe du jet, une analyse de stabilité spatiale est requise. Néanmoins, pour des vitesses de jet suffisamment élevées, l’analyse de stabilité temporelle d’un cylindre de longueur infinie permet de retrouver les principales caractéristiques de l’instabilité du jet. Dans la littérature, on recense plusieurs analyses de stabilité temporelles de cylindres de ferrofluide soumis à un champ magnétique. Celles-ci ne concernent que des cas particuliers de champ magnétique et ne considèrent pas la viscosité du ferrofluide. Or, les ferrofluides peuvent avoir une viscosité d’un ordre de grandeur supérieur à celle de l’eau et sa prise en compte peut s’avérer nécessaire.

Cette étude théorique sur les jets de ferrofluide est financée par le projet LabEx INFEMA (INstabilities of FErrofluid flows in MAgnetic fields) commun aux deux laboratoires normands CORIA (UMR 6614) et LOMC (UMR 6294 – Le Havre).

Ferrofluide synthétisé au laboratoire, à proximité d’un aimant.


Cylindre de ferrofluide soumis à un champ magnétique \boldsymbol{H}.

Théorie visqueuse

Un cylindre de ferrofluide newtonien incompressible soumis à un champ magnétique axisymétrique stationnaire est considéré. Le ferrofluide est placé dans des conditions isothermes en l’absence de gravité. Une analyse de stabilité linéaire de ce système est réalisée en imposant une perturbation axisymétrique de faible amplitude. Les champs magnétiques admis par ces hypothèses peuvent être répartis en deux groupes : les champs magnétiques axiaux et non-axiaux. Pour ces derniers, une structure cylindrique assimilable à un fil doit être présente au centre du cylindre de ferrofluide pour éviter une singularité. Une relation de dispersion valide pour l’ensemble des champs magnétiques admissibles est obtenue dans les deux cas en considérant, dans un premier temps, que le fluide environnant a une masse volumique et une viscosité négligeables comparées à celles du ferrofluide. Deux formes de champ magnétique sont principalement étudiées dans la littérature : les formes axiale et azimutale. Les effets de stabilisation du champ magnétique pour ces deux cas sont retrouvés avec une stabilité totale à partir d’une certaine intensité du champ magnétique pour la forme azimutale. Un troisième cas, déstabilisant le cylindre de ferrofluide et permettant un contrôle de la relation de dispersion, est recherché. Pour y parvenir, le champ magnétique imposé doit posséder une composante radiale. Enfin, une relation de dispersion prenant en compte la masse volumique et la viscosité du fluide environnant est également obtenue dans le cas d’un champ magnétique azimutal.

Cas azimutal


Un champ magnétique azimutal est de la forme  \boldsymbol{H}= \frac{A}{r} \boldsymbol{e_\theta} avec A une constante. Il peut être créé à partir d’un fil parcouru par un courant situé au centre du cylindre de ferrofluide. Ce fil permet également d’éviter la singularité en r=0. Le champ azimutal a un effet stabilisateur sur le cylindre de ferrofluide avec une diminution du taux de croissance du mode le plus instable au fur et à mesure que l’intensité du champ magnétique augmente. Le cylindre devient stable pour tout nombre d’onde au delà d’une certaine valeur du champ magnétique. La prise en compte de la viscosité du ferrofluide dans l’analyse de stabilité permet de se rapprocher des données expérimentales par rapport à la théorie non-visqueuse. Cependant, l’écart avec les données expérimentales reste élevé et une prédiction correcte de ces données ne peut être obtenue qu’en considérant également la viscosité du fluide environnant.

Représentation de la configuration avec un champ magnétique azimutal.

Taux de croissance du mode le plus instable en fonction de l’intensité du champ magnétique.